Le ministère de la culture attend une baisse du chiffre d’affaires du secteur culturel de -25% en 2020, par rapport à 2019. Mais le confinement aura fait des gagnants (plutôt du côté du privé) et des perdants (plutôt du côté du public)
Ainsi, le secteur du spectacle vivant, les musées et le patrimoine s’attendent à une baisse de -72% alors que le secteur du jeu vidéo augmentera de +15% et les plateformes de streaming musical de +8%. Face à ce constat, il semble que l’approche actuelle du gouvernement soit de taxer les uns pour aider les autres.
Début juillet, le ministère de la Culture annonçait un effort de 5 milliards d’euros dont 540 millions d’euros d’exonérations et de baisses de charges, plus de 1,4 milliard d’euros de financement de l’activité partielle et d’une année blanche pour les intermittents, environ 750 millions d’euros de crédits ouverts pour soutenir les secteurs qui ont le plus souffert, notamment via des fonds d’urgence et pour soutenir la création via des commandes publiques. Enfin, 2,2 milliards relevant des prêts garantis par l’Etat.
Au final, si l’on enlève les prêts garantis et les aides déjà versées en mai (700 millions d’euros), le plan de soutien du gouvernement à la culture tourne, actuellement, autour de 2,1 milliards d’euros… dont 950 millions d’euros pour la prolongation des droits au chômage des intermittents.
En effet, les droits des intermittents du spectacle sont prolongés sur une « année blanche » avec la suspension du plafond de 507 heures de travail à effectuer pour l’ouverture des droits. Cette mesure est encore en cours de négociation. Cela va encore augmenter le déficit de l’assurance chômage spécifique aux intermittents (déjà 900 millions en 2018).
Surtout la prolongation des droits est accordée jusqu’en… août 2021, ce qui apparait très généreux alors que de nombreux indépendants, petits entrepreneurs, eux, ne vont bénéficier que du fonds de solidarité (prolongé d’un mois, en incluant la perte de chiffre d’affaires de juin 2020).
Du côté des aides, un fonds de solidarité a déjà été doté de 230 millions d’euros pendant le confinement puis de très nombreux fonds d’urgence spécifiques à la culture ont été instaurés. Ainsi, les théâtres privés sont éligibles à une aide calculée au prorata des 10 semaines de fermeture et limitée à 70.000 euros. Les TPE et les PME du secteur musical sont éligibles à des aides de 8.500 euros (1er volet), puis 35.000 euros (2nd volet), les disquaires à 1.500 euros, les producteurs phonographiques à 10.000 euros et les distributeurs à 35.000 euros. Les artistes touchant des droits d’auteurs musicaux pourront bénéficier d’une avance exceptionnelle à hauteur de 10% de la moyenne des droits d’auteur qu’ils ont touchés les 3 dernières années…
Enfin, le dernier levier du gouvernement pour aider le secteur culturel est le recours à la commande publique aux artistes. Le président de la République a annoncé vouloir lancer un « grand programme » de commandes publiques aux artistes, notamment les moins de 30 ans et ceux sortant des écoles d’art et des conservatoires. L’Etat, les régions et les collectivités, ainsi que les Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA) devraient mettre la main à la poche. On sait déjà que le Centre national musical (CNM) a été renfloué de 50 millions d’euros et que le Centre national des arts plastiques (CNAP) a été doté de 1,2 million d’euros fin mars.
Evidemment, se pose la question du financement et pour cela, le gouvernement semble miser sur une… taxe ! En effet, lors de son discours du 6 mai dernier, Emmanuel Macron a évoqué l’assujettissement des plateformes comme Netflix, Amazon Prime, Disney + ou encore OCS, Apple ou Youtube qui ont connu des records de connexion avec le confinement.
Depuis 2018, ces plateformes sont déjà soumises à une taxation de 2% de leur chiffre d’affaires en France (pour une collecte autour de 10 millions d’euros) mais ce taux serait augmenté à 16% d’ici 2021… et jusqu’à 25% pour les plateformes qui proposent, en majorité, des fictions (et non pas des retransmissions de spectacles par exemple). Les négociations se poursuivent sur ce point mais risquent d’être houleuses, d’autant plus que ces plateformes investissent de plus en plus dans des fictions françaises. D’autant plus que même en mettant la taxe à 25%, ce qui est gigantesque, la recette ne serait que de 125 millions. Autant dire qu’on est là dans un effet d’annonce qui oppose inutilement public et privé.