Le Président de la République vient d’annoncer une réforme de l’ENA permettant à 6 jeunes défavorisés par promotion de devenir énarques en passant par un concours spécial… Et pourtant, souvenons-nous, le 25 avril 2019, à la sortie du mouvement des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron déclarait : « Je pense qu’il faut supprimer, entre autres, l’ENA » « pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux ». Il ajoutait même : « Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps ». Une annonce qui semblait contenter tout le monde, car cette école bien qu’elle forme l’Elite de nos administrations n’a pas réussi à former des gestionnaires qui ne fassent pas de la France le pays le plus taxé et le plus dépensier d’Europe. L’ancienne directrice de l’école, Madame Loiseau, déclarait même être « soulagée » de la suppression de l’ENA.
Sauf que, 2 ans plus tard, le Président de la République en visite à l’IRA (l’Institut régional d’administration) de Nantes a annoncé le développement d’une filière « talents », dès la rentrée de septembre 2021, dans les 5 écoles de la haute fonction publique… ENA comprise. Il s’agit ici de réserver des places aux candidats issus de milieux modestes. 700 places « talents » existent déjà dans les écoles de la haute fonction publique et Emmanuel Macron a annoncé son intention de les porter à 1 700 dès septembre prochain et de doubler leur allocation de 2 000 à 4 000 euros par an. En parallèle, un recrutement distinct avec un concours « talents » sera développé.
Plus question de supprimer l’école donc. Pourtant, en 2020, il y a bien eu « des ajustements du contenu de la scolarité de l’ENA » avec le développement de stages dans les PME notamment… Le ministère de la Transformation et de la Fonction publique précisait d’ailleurs que ces changements ne « constitu[ai]ent pas en soi la réforme d’ensemble qui sera annoncée en 2021 par le gouvernement ». De réforme importante point. Le gouvernement compte bel et bien enterrer la suppression de l’ENA et de son célèbre classement de sortie qui emmène à vie dans les grands corps de l’Etat que sont l’Inspection des finances, le Conseil d’Etat et la Cour des comptes sous une couche de communication pour la diversité et l’égalité des chances…
Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, a beau expliquer le 11 février sur BFMTV que son « enjeu, c’est de supprimer l’entre-soi, c’est de supprimer le corporatisme, c’est de supprimer tout ce qui ne va pas » à l’ENA, on comprend ce qu’il en est. Et ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque c’est la troisième fois en trois quinquennats que les grands corps de l’Etat ont eu la peau de la réforme de l’ENA. Déjà avant le Président Macron, Nicolas Sarkozy et François Hollande se sont cassé les dents sur la réforme de l’ENA et du classement de sortie. A chaque fois c’est donc la haute administration qui gagne le match.
La France est le seul pays développé doté d’une école de formation des hauts fonctionnaires avec entrée directe à vie dans les grands corps et les administrations centrales, comme l’ENA. A minima, une solution aurait été de supprimer le fameux classement de sortie. Le rapport Thiriet qui était censé préfigurer l’organisation de la suppression de l’ENA proposait d’ailleurs de lui préférer des entretiens d’embauche entre les jeunes diplômés et les administrations et un accès aux grands corps seulement accessible au bout de trois ans. Quand verrons-nous la vraie suppression de l’ENA ?