Cela devait être le grand acte de décentralisation de ce gouvernement mais, quand on lit la loi dite 4D pour décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification on ne peut que se demander où est passé le bon sens et où est la « décomplexification » ? Le gouvernement justifie le manque d’ambition du texte par sa volonté de ne pas bousculer le fonctionnement territorial en pleine crise sanitaire et économique.
Cette loi 4D, si elle est adoptée, va amener chaque département à avoir des attributions différentes des autres départements, chaque région à avoir un périmètre de responsabilité différent des autres régions. Cela risque de rendre les comparaisons de gestion de plus en plus difficiles, voire impossibles.
C’est une loi organique qui, adoptée dans la plus grande indifférence fin 2020, permet de passer outre le principe d’égalité et à nous faire rentrer dans le flou le plus total sur la gestion publique locale.
Par exemple 11.500 kilomètres de routes nationales verront leur gestion transmise aux départements et aux métropoles, notamment celle de Lyon mais 9.000 km de routes seront réservées à une expérimentation de 5 ans dans laquelle les régions exploiteront et entretiendront ces routes. Résultat : les anciennes routes nationales seront gérées par des départements, des métropoles ou des régions…
Le texte ne tranche pas sur l’éducation
Flou aussi en santé. Si deux des trois vice-présidents du futur Conseil d’administration de l’ARS seront des élus locaux, la gestion de la politique publique de santé n’est en rien régionalisée comme c’est le cas dans beaucoup de pays. Cela dit, la loi autorise les collectivités qui le souhaitent à financer des établissements de santé, ce qui embrouille un peu plus les financements croisés entre État, local et social au lieu de clarifier les missions.
Au niveau de l’éducation, c’est un peu la même chose, le texte ne tranche pas. Les agents techniques des collèges et des lycées souffrent d’une double tutelle, celle du chef d’établissement scolaire et de la collectivité qui les emploie (le département pour les collèges, la région pour les lycées) ? Pour « régler » ce problème, une expérimentation va être lancée pendant 3 ans pour donner le pouvoir d’instruction de la collectivité à l’adjoint du chef d’établissement chargé des fonctions de gestion matérielle, financière et administration. Et ce alors qu’il conviendrait, là encore, de décider que la politique publique d’éducation doit être gérée au niveau de la région.
Recentrer le RSA
Sur le social, les métropoles et les communautés urbaines vont pouvoir créer leurs propres centres d’action sociale alors que ceux des communes et des intercommunalités se font déjà concurrence. Toujours au niveau social, une expérimentation pour recentraliser le RSA va être ouverte pour les départements en difficulté sur le sujet. Pour ces territoires, l’État reprendra en charge, dès le 1er janvier 2022, toute sa gestion. Pourquoi ne pas le faire une bonne fois pour toutes pour tous les départements et gérer la distribution du RSA par Bercy plutôt que de conserver les CAF qui s’en occupent sur le territoire ?
La loi 4D n’échappe donc pas au principe du «en même temps». Exit les projets de simplification des compétences sacrifiés sur l’autel des expérimentations locales. Exit aussi les transferts de compétences attendus sur l’emploi, l’éducation ou la santé. Exit aussi la recentralisation du RSA qui pourrait permettre ensuite la fusion des aides en une allocation sociale unique. Là encore, on va passer par des expérimentations… Clairement, cette loi 4D n’est pas une grande loi et pas une loi de décentralisation tout court. Cela manque de panache et de clarté. D’où la note de 4/10