Cela a commencé avec une convention citoyenne de 150 personnes tirées au sort et risque de finir avec un coût sur l’emploi considérable. La loi climat et résilience compte 146 mesures transformées en 69 articles et… 5 000 amendements. En leur sein, 4 mesures (en plus du délit d’écocide) sont particulièrement préoccupantes.
Zéro artificialisation nette pour… zéro usine nette à terme ?
La loi prévoit de réduire par deux le rythme d’artificialisation des sols dans les 10 prochaines années (ce qui revient à toucher fortement la politique des permis de construire) et l’article 48 du texte va même jusqu’à évoquer l’objectif à long terme de « zéro artificialisation nette ». La loi introduit donc l’idée qu’il sera impossible, à terme, de construire en France, sans déconstruire (et renaturaliser) en parallèle. Par ailleurs, autre contrainte de taille, le seuil obligeant une surface commerciale ou un entrepôt à installer des systèmes de productions d’énergies renouvelables ou une toiture végétalisée est abaissée de 1 000m2 à 500 m2.
La publicité dans le viseur : La question de la publicité est aussi abordée puisqu’un article du projet vise une limitation de la distribution de prospectus papier dans les boîtes aux lettres (en limitant le volume, ou en passant à des impressions sur du papier recyclé – la filière estime que 10 000 emplois seraient menacés). La publicité pour les énergies fossiles serait également interdite dans les médias, sur les affichages extérieurs… mais aussi à l’intérieur des « vitrines ou des baies d’un local commercial ». La liste des produits concernés doit être précisée par décret mais elle ne devrait pas inclure les voitures pour le moment… même si le gouvernement a déjà annoncé que la liste serait allongée si les annonceurs ne fixent pas, avec le CSA, des objectifs ambitieux pour stopper la publicité de produits polluants. Toujours plus loin dans la réglementation, le projet vise aussi à interdire (et condamner par une amende de 1 500 euros) les petits avions qui font de la publicité (au-dessus des plages principalement).
Interdiction de vente de tout véhicule à carburant fossile à partir de 2040 et taxes à venir.
Pour l’automobile, le projet confirme l’objectif fixé en 2019 de l’interdiction de vente de tout véhicule à carburant fossile à partir de 2040 avec une première étape dès 2030 où la vente des voitures thermiques dépassant les 123 g/km de CO2 sera interdite. Le gouvernement précise son ambition que dès 1er janvier 2030, les ventes de voitures particulières neuves seront à 95 % des voitures propres. Et qui se rappelle de la TICPE ? C’est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dont l’augmentation prévue en 2019 a mis le feu aux poudres des Gilets Jaunes. Le gouvernement avait fini par reculer et par annuler la hausse prévue… mais il revient sur le sujet en planifiant la suppression de l’avantage fiscal sur la TICPE dont « bénéficie le gazole consommé par les poids lourds du transport routier de marchandises » d’ici 2030. Une très mauvaise nouvelle qui continuera de pénaliser davantage un secteur très concurrentiel dont le taux de taxation est de 45,2 €/hl quand le plancher européen est à 33 €/hl. Si on inclut la TVA, la France est le pays le plus taxé (59,4 €/hl) après la Belgique (61,6€/hl), l’Italie (61,7 €/hl) et le Royaume-Uni (65,1 €/hl). Mais en plus s’y ajoute le recyclage de l’écotaxe poids lourd qui avait déclenché les bonnets rouges. Elle pourrait être mise en place par les régions mais aussi par les départements (afin d’éviter des effets de déports) pour financer l’entretien du réseau routier.
Pas de vol intérieur si autre transport en moins de 2 h 30. Alors que le secteur attend toujours la reprise, le projet de loi vise, lui, l’interdiction des liaisons nationales pour lesquels un autre moyen de transport collectif (le train principalement) existe en moins de 2h30. Des aménagements seront possibles en cas de correspondance mais l’aéroport de Bordeaux-Mérignac estime déjà que l’interdiction des vols Paris-Bordeaux reviendrait à perdre 16 % de chiffre d’affaires (et combien d’emplois pour l’aéroport, les compagnies aériennes les hôtels ?). Le texte prévoit également l’interdiction de l’agrandissement des installations aéroportuaires par expropriation… si elles entraînent une hausse des émissions, ce qui revient presque à stopper toute politique ambitieuse d’export dans les prochaines années.
Où est le chiffrage dans l’étude d’impact de la loi des emplois qui vont être menacés par ce texte ? L’étude d’impact évoque la filière des « papiers graphiques » et ses 311 000 emplois, les 400 000 emplois de la filière automobile ou encore les 100 000 emplois des centres commerciaux mais se limite à une formulation vague s’agissant des emplois créés. « Les évaluations macroéconomiques de la transition énergétique et écologique montrent toutes un effet créateur net d’emplois de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’emplois non délocalisables d’ici 2030. »
Alors que le Conseil d’État a, à juste titre, émis un avis défavorable à la rédaction du texte sur le délit d’écocide jugeant que le projet de loi « n’assure […] pas une répression cohérente, graduée et proportionnées des atteintes graves et durables à l’environnement selon l’existence ou non d’une intention » et souligné que nombre de dispositions de la loi sont « inappropriées voire inutiles » (notamment la fixation de surface minimum dédiée à la vente en vrac dans les supermarchés), une question devient essentielle : à quoi sert la loi Climat ?