Le gouvernement s’était engagé en février dernier à négocier avec Bercy des PGE de 8 ans au lieu de 6 ans. « Nous commençons à discuter avec la Commission européenne sur un allongement de la durée de remboursement des PGE. Nous aimerions passer de six ans à huit ans. L’important est de sécuriser les entrepreneurs et de leur donner de la visibilité. Ils ne doivent pas avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête qui viendrait freiner la reprise. Nous espérons un retour de la Commission courant 2021 », avait déclaré le ministre Alain Griset. La volonté était là mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Pas de nouvelle du passage à 8 ans des PGE et l’heure tourne…
Près de 160 milliards de prêts garantis par l’Etat aux entreprises
38% des milliards des PGE ont été accordés à de très petites entreprises soit 53 milliards à environ 600.000 petites entreprises. TPE qui ont aussi accumulé 7 milliards de report de cotisations Urssaf… Dans beaucoup de ces petites entreprises (1 TPE sur 4 a contracté un PGE), le PGE devra factuellement être remboursé sur 4 ans puisque les deux premières années peuvent être blanches de remboursement.
Certaines petites entreprises vont se retrouver dans une situation compliquée. À noter qu’avant crise, selon l’INSEE, les TPE avaient déjà 215 milliards d’endettement total dont 103,5 milliards de dettes financières.
La plupart des évaluations s’accordent sur une moyenne de 5 à 7% de la totalité des PGE qui ne seraient pas remboursés avec des défaillances d’entreprises. Mais, selon des estimations confidentielles, cela peut se révéler très variable selon la taille des entreprises et le secteur d’activité. Dans le tourisme, hôtellerie-restauration, ce pourcentage pourrait monter à plus de 10% par exemple.
À la veille de 2022, le sujet devient crucial car nous allons bientôt rentrer dans la période des 4 ans de remboursement. Mais il semblerait que le gouvernement ait renoncé à convaincre Bruxelles sur le sujet. Et qu’il se rassure en se disant que les entreprises n’auront pas réellement besoin d’un étalement de la durée de remboursement des PGE et qu’ils géreront au cas par cas. Au motif aussi que cela ferait augmenter les taux… Mais même avec un taux un peu plus haut (mais ne pourrait-on pas plutôt bloquer les taux ?) ce serait plus confortable pour beaucoup d’entreprises de rembourser sur 6 ans et non sur 4 ans.
Bercy a aussi activé la création d’une procédure judiciaire simplifiée devant les tribunaux de commerce. La procédure s’adresse aux entreprises de moins de 20 salariés et ayant moins de 3 millions d’euros de montant de passif déclaré, mais aussi aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée. Elle s’adressera à des entreprises en cessation de paiements mais en état de présenter un plan de continuation d’activité. Le plan de continuation pourra prévoir un échelonnement du passif sur une durée de 10 ans comme en matière de redressement judiciaire. Passif qui comprendra bien évidemment les PGE en cours.
Procédure hyper complexe
Reste que cette procédure est hyper complexe : beaucoup plus qu’une heure de rendez-vous avec son banquier pour étaler un prêt sur deux ans de plus… Surtout que ce sont souvent les mêmes petites entreprises qui ont demandé à décaler leurs paiements de cotisations Urssaf (il y en aurait au total, toutes entreprises confondues, pour une vingtaine de milliards de créances fiscales et sociales). Là aussi la doctrine semble être de gérer au cas par cas…
Mais que va-t-il advenir en « sortie » de crise ? Les reports de cotisations Urssaf sont pensés pour durer le temps de l’État d’urgence sanitaire. Les échéanciers sont calés sur la durée maximum légale de remboursement des créances fiscales (plan d’apurement fiscal) c’est-à-dire 3 ans en métropole (5 ans en outre-mer), ce qui est très court. Pour les indépendants, le vent commence d’ailleurs déjà à tourner. Le SDI-PME fait état à la suite du discours de Bruno Le Maire du 30 août dernier d’une volte-face des URSSAF à l’endroit des indépendants, leur signifiant la fin du report de charges jusque-là en vigueur, dès ce mois de septembre.
Le dossier est complexe mais ce n’est pas une raison pour laisser tomber une bonne idée qui pourrait aider – voire sauver – des milliers d’entreprises. On ne peut pas effacer ces créances fiscales et sociales car, si on les efface, on crée des distorsions de concurrence et de la dette publique en plus. En revanche, on peut demander à la fois pour les PGE et les créances sociales et fiscales que Bercy ne lâche pas l’affaire avec Bruxelles et étale le remboursement sur 8 ans soit 6 ans à partir de 2022 au moins pour les secteurs S1 et S1 bis les plus touchés par la crise (hôtellerie, restauration…). À condition que l’étalement du remboursement ne soit pas considéré comme un incident de paiement au regard de la réglementation bancaire. Cela aurait le mérite d’inclure dettes financières et fiscalo-sociales de crise dans le même échéancier (hors dettes fournisseurs). Il est urgent de se saisir de cette question cruciale.