Le gouvernement vient de présenter son grand plan d’investissement de 30 milliards baptisé plan France 2030. Un plan pour soutenir la croissance et « financer notre modèle social » nous dit le Président de la République. Le plan se distingue entre des objectifs bien définis (pour la « décarbonation », pour le nucléaire, pour une alimentation saine, pour le développement des biomédicaments, la culture, le spatial et l’exploration des fonds marins, etc.) pour 19 milliards d’euros et des mesures de soutien (pour la sécurisation des matières premières stratégiques, pour la formation de nouvelles filières industrielles, pour soutenir les start-up, etc.) pour 14,5 milliards d’euros.
Tout laisse à penser qu’une bonne partie des 30 milliards vient d’un grand recyclage de crédits déjà votés et non encore dépensés : des crédits non utilisés du programme d’investissements d’avenir 4 pour 9 milliards d’euros. Une autre dizaine de milliards vient du plan de relance de 100 milliards (11,4 milliards d’euros d’investissements). Il n’y aurait donc qu’environ 10 milliards d’euros d’investissements vraiment nouveaux dont environ 4 milliards d’euros seront votés par amendement dans le budget 2022 en cours de préparation. Ces 4 milliards devraient figurer sous la mission « investissements d’avenir » avec le label européen « projets importants d’intérêt européen commun » (PIIEC,) ce qui permettra de ne pas avoir à déroger au droit de l’Union européenne en matière d’aides publiques.
Le total du plan chiffre officiellement à 33,5 milliards d’euros (dont 4 milliards de fonds propres) mais dont seulement 4 milliards votés par ce gouvernement dès 2022. Au sein des 454 milliards d’euros de dépenses annuelles de l’Etat, cela ne pèse pas lourd et on mesure combien l’investissement de l’Etat est minuscule. Si l’on remonte un peu dans le temps, on constate que les deniers de l’Etat consacrés à l’investissement sont hyper faibles : 11,5 milliards en 2016, 10,5 en 2017, 12,6 en 2018, 10,6 milliards en 2019… Environ 3% de la dépense. Une paille quand le fonctionnement se taille la part du lion.
Qu’en conclure ? Que le gouvernement s’est maintenant aperçu que ses mesures d’urgence et de relance sont parties en priorité gonfler la dépense « exceptionnelle » de fonctionnement -comme souvent en France- et qu’il faut, avec 4 petits milliards d’euros en 2022 tenter de renflouer en urgence la croissance potentielle de la France qui reste toujours aussi anémiée. Ce « grand » plan d’investissement, noyé dans les flots de dépenses de fonctionnement, n’en est pas un. Ce serait juste un investissement lambda si la France était un pays qui s’endette uniquement pour investir et pas pour fonctionner.
Heureusement, les collectivités locales sont tenues par la règle suivante : pas d’endettement en dehors de l’investissement, elles investissent d’ailleurs en proportion plus que l’Etat : 59,8 milliards d’investissements au sein de 289,7 milliards de dépenses soit 21% de leurs dépenses (5,4 fois plus que l’Etat)… Reste à savoir si le petit volume de milliards d’investissements réellement injectés et la dégradation supplémentaire de notre solde public pour 2022 de 0,2 point attendu (-5% du PIB) aboutira bien à une hausse de la croissance potentielle de notre économie à moyen-long terme. Rien n’est moins sûr. Il serait temps de rogner sur le fonctionnement pour investir vraiment dans l’avenir, loin des effets d’annonces.