Loi recherche : «Une petite révolution est en marche»

Éducation

Loi recherche : «Une petite révolution est en marche»

La loi de programmation pour la recherche a été adoptée le 20 novembre dernier. Selon le texte déposé au Parlement, le projet de loi poursuit trois ambitions : mieux financer et évaluer la recherche publique, améliorer l’attractivité des métiers de la recherche et replacer la science dans une relation ouverte avec toute la société. La loi veut faire passer progressivement la dépense française de recherche de 2,2% du PIB à 3% (+25 milliards d’euros d’ici 2030). Mais cette loi permet surtout un certain nombre d’assouplissements sur les modalités d’embauches des chercheurs qui semblent tout droit calqués (à bon escient) sur le modèle de la recherche allemande.

Le projet de loi est touffu, le Conseil d’État a même demandé que la loi soit renommée… Certains articles ont été l’objet de vives contestations, des collectifs de chercheurs exigeant la démission de la ministre Frédérique Vidal. Il faut dire que par rapport à notre vision française de la recherche publique, une petite révolution est en marche. En France, dans la recherche, 65% des personnels sont des titulaires. C’est plutôt l’inverse en Allemagne, où la grande majorité des chercheurs sont des contractuels, à l’exception des professeurs (19% des effectifs).

Ces dernières années, la France a vu (en dépit de la réforme de l’autonomie des universités qui visait à créer plus de ponts entre la recherche publique, la recherche privée et les entreprises) partir beaucoup de ses meilleurs chercheurs vers l’Allemagne ou les États-Unis. Attirés par de plus gros budgets de recherche rendus possibles en Allemagne car la compétition est intense, le nombre de postes plus restreint et ces postes non garantis à vie. Les directeurs d’équipe de recherche, par exemple, sont nommés pour 12 ans au maximum et ne peuvent rester plus longtemps en poste que s’ils décrochent des financements supplémentaires.

En s’inspirant donc du modèle allemand, la loi de programmation crée de nouvelles modalités d’embauche des chercheurs :

  • Contrats de pré-titularisation de 3 à 6 ans de « professeurs juniors », comme cela a été mis en place en Allemagne il y a quelques années avec des contrats de 3 à 4 ans ;
  • Contrats postdoctoraux privés et publics visant à faciliter la transition professionnelle des docteurs vers des postes pérennes de la recherche publique ou privée. Dans le même esprit, les chercheurs publics vont pouvoir plus facilement créer une entreprise, participer à la vie d’une entreprise ou cumuler une activité privée à temps partiel…
  • «Contrat à durée indéterminée de mission scientifique» pour recruter des personnels afin de mener à bien des projets de recherche.

En outre, un article prévoit la possibilité de déroger à la reconnaissance par le Conseil national des universités (CNU) des maîtres de conférences pour accéder au corps des professeurs des universités et, à titre expérimental, de recruter localement des maîtres de conférences non qualifiés par le CNU. Pour certains observateurs du monde universitaire, ce changement risque de renforcer les candidatures de proximité au détriment de la qualité des autres candidats. Mais l’on peut contrer cette dérive en rendant obligatoire la mobilité des chercheurs et en ouvrant les conseils d’administration des universités et les processus de recrutement à des personnalités extérieures.

Ces mesures sont globalement vues par nombre de chercheurs titulaires comme des «attaques au statut de fonctionnaire et à la recherche publique». Mais force est de constater qu’en France le taux de chômage est, trois ans après l’obtention du doctorat, aux alentours de 10%, beaucoup plus qu’en Allemagne qui compte seulement 2% de chômage pour les doctorants, et donc attire les nôtres. La mutation commencée par ce texte vers plus de contractualisation des chercheurs et des passerelles plus importantes entre carrière de chercheurs publics et carrière dans le privé va dans le bon sens, même si l’on voit bien que cela a du mal à passer dans un monde de la recherche publique si attaché à ses statuts et toujours si peu enclin à mixer les carrières entre public et privé. Ce sont pourtant ces statuts qui, aujourd’hui, bloquent les chercheurs plutôt qu’ils ne les aident.

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